14-18 : patriotisme
Quand je suis née en 1918, ma sœur aînée, Lydie, avait 25 ans et avait déjà une fille de 5 ans, Hélène. Mon frère Edmond devait avoir à peine 24 ans et ma sœur Cécile 11 ans. Mon frère avait 20 ans lorsqu’il est parti à la guerre en 1914. Il était jeune mais très courageux. Mes parents, comme tous les autres, étaient inquiets et malheureux.
Edmond était à Verdun, aux « Chemin des dames ». En 1916, il a été grièvement blessé d’une balle qui lui a traversé un rein et la vessie. Il a été opéré à Verdun et en sortant de cette grave opération, il est venu chez nos parents passer sa convalescence. Vu la gravité de son cas, il devait être réformé et nos parents étaient plus tranquilles, mais lorsqu’il s’est senti bien, il a parlé de repartir ; naturellement nos parents ont tout fait pour le retenir. Pauvre maman, si fragile, elle a dû tant pleurer ! Mais il leur a dit : «  je vous assure que je me sens très bien, je suis solide et le devoir m’appelle auprès de mes copains qui sont peut-être en train de se faire tuer. Ma décision est claire, tout ira bien, ne vous faites pas de souci pour moi. » On m’a dit plus tard que ce fut très dur pour mes parents qui attendaient chaque jour des nouvelles.
Puis il y a eu la contrariété quand on attendait ma naissance. Comment apprendre cette nouvelle à leur fils ? Mais il a été tout heureux de cette surprise. Et Dieu merci il est revenu ! Et peu de temps avant son mariage (2 ou 3 ans) je me souviens, le soir au coin du feu, assise sur ses genoux, il me chantait le petit Quinquin.
« Dors min p'tit Quinquin
Min p'tit pouchin min gros rojin
Te m'fras du chagrin si te ne dors point ch'qu'à d'main. »
Mais de cette grave blessure, il s’est ressenti toute sa vie et allait à l’hôpital de temps en temps, mais il semblait toujours heureux et a toujours travaillé (avec une pension de misère). Ses petits-enfants connaissent par cœur l’histoire de ces années terribles. Le jour du mariage de Bernard, toute la famille était réunie pour un lunch, je me rappelle que mon frère était tout ému de voir Jacques et de lui parler. Je revois encore Jean-Claude qui discrètement a glissé à Jacques « Tu as entendu parler de Verdun ! »
Marcelle Machefert, 31 janvier 2009


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